L’école en questions : quels éclairages par la recherche ?

Critique du modèle éducatif français, de l’école à la formation permanente

Contreperformances des élèves français dans les études PISA (niveau OCDE), plutôt à cause des réponses non remplies (d’avantage que les autres pays) donc pas forcément un taux d’erreur supérieur. Taux de redoublement le + fort. Débats médiatiques sur le sujet. Les échecs sont repérables et analysables. La culture pédagogique fait qu’on répond moins, surtout dans le doute. Les pronostics d’échec des élèves sont réalisés très tôt (dès le CP). Parfois une autoréalisation des prophéties.

Y a-t-il une acquisition unique d’une base unique ? Un seuil unique nécessaire à tous ? Si oui, les modalités d’accès à ces connaissances communes doivent-elles être les mêmes ? Ou plusieurs chemins ? L’école est-elle organisée avec un seul chemin, une seule méthodologie ?

Notre système est conçu d’une manière linéaire. Un parcours scolaire linéaire est l’exemple à suivre, de référence. Se voit sur l’élément de l’âge « en retard », « en avance » pour un élève (niveau Bac, surtout). Retard sur sa vie, ses compétences, sa réussite ? Ces effets d’avance/retard sont jamais comparés par rapport aux acquis à terme. Acquisition en un temps plus long – plus rapide. Comme si on fixait un seuil éliminatoire en sport. On voit que la voie est unique, on l’applique à tous les objets. Ceux qui dévient de la norme sont considérés comme en échec. A partir de ça, on évalue et on hiérarchise. Les parcours moins linéaires sont moins valorisés, moins valorisants. Intégrer une classe prépa à 20 ans est impossible. La préoccupation normative de l’âge est plutôt statistique qu’autre chose, bien qu’une obsession des parents.

A l’université, « on fabrique de l’échec ». Mais que demande-t-on au système universitaire ?  100% de licenciés ? Surtout dû au fait que toutes les filières en dehors de l’université sont sélectives. La sélection universitaire est faite par l’échec. On ne peut pas faire réussir tout le monde au même niveau, dans un même calendrier, si toutes les provenances sont mélangées. On peut atteindre un niveau, mais pas dans le même temps donné pour tous. La base de connaissances connues avant d’entrer dans le système détermine la réussite.

On ne constate pas le phénomène d’échec de l’université dans les filières sélectives. Le problème est l’entrée. On est le pays le plus sélectif au monde, bien qu’on condamne le principe de sélection. 150 000 jeunes sortent chaque année du système sans diplôme, le coût humain et économique est colossal, conséquence d’un dispositif de tri.

Le diplôme est central en France, notamment un diplôme national. Tout ce qui ne l’est pas est suspect, négatif. Expression même de la linéarité. Au CNAM, souvent des gens en reconversion pro, rareté. Le système est calendaire, on a du mal à revenir dans le monde universitaire, la VAE est mal répandue. Le système n’autorise pas bien les aller-retours. Aux USA par exemple, un MBA nécessite 5 ans d’expérience. En France, la formation continue est le système parallèle de formation, mais le monde académique est fermé. Pas de conception globale de la formation tout au long  de la vie, le système n’est pas prévu pour. On fait son parcours solaire, on obtient ses galons et on a terminé. On a bien été culturellement installé dans cette mentalité, reproduction des élites facilitée. Mais peut-on limiter les dirigeants et la créativité du pays à une partie des gens sélectionnés ?

Tout est cohérent. Les systèmes dérogatoires à l’université existent : Collège de France, EHESS, etc, sur entrées spécifiques. On a toujours cherché à nicher des systèmes de formation, ce qui crée des singularités micro-collectives. Même des Maîtrises à l’origine universitaires, extraites dès leurs bonnes performances.

Changement de paradigme économique et comportemental

Le paradigme est en train de changer. Hier, on était dans la production de masse, jusqu’aux 30 glorieuses. Conséquence, une organisation de la production, de l’entreprise et de la société très hiérarchisée. La ressource pétrolière permettait ce système, jusqu’à que les possesseurs s’organisent (1974). Les débats sur le pétrole, le schiste sont dans le but de maintenir ce modèle, la matière première était utile. On arrive vers la 5e révolution industrielle, les géants du numérique ont un nouveau carburant : données personnelles, produites spontanément par les agents, ou émises inconsciemment (objets connectés, passages sur les sites). Nos comportements sont une richesse pour l’industrie numérique, chaque clic est un signe comportemental.

Ce changement de paradigme éco est en train de changer les comportements. Si on souhaite une liberté d’accès pour chacun, il faut savoir décoder ces comportements et s’y adapter. La fracture numérique est pour l’instant générationnelle. Il y a ensuite ceux qui savent s’en servir comme consommateurs, et ceux comme producteurs. Notre équipement intellectuel devra changer de nature. Aujourd’hui : le maitre produit / diffuse les contenus, l’élève ne produit rien. Dans le monde industriel, on produit. L’école est organisée pour la production de masse. Demain, on va vers une plus grande flexibilité des acteurs.

Demain, tous les objets seront connectés. Comment gérer l’école ? Pour l’instant un dispositif qui compare les individus, hiérarchise. Aujourd’hui, comment associer les élèves à la production de ce qu’ils doivent acquérir ? Application d’un sujet (élève) sur un objet (connaissances), le résultat (notes) donne une hiérarchie. On ignore qu’il y a un rapport, une relation entre sujet et objet non considéré. Le rapport à l’objet est en train de changer, par le numérique.

Avant, pour avoir un rapport à l’objet, il fallait un certain socle de connaissances. Aujourd’hui, mobiliser une connaissance est numérique et disponible. Pas besoin de mémoire, on peut recliquer plus tard. On a externalisé les mémoires. Le clic a modifié le rapport à la connaissance et à sa mise en mémoire. Plus besoin d’encoder des infos, on les externalise, elles sont disponibles. Cette modification doit-elle laisser nos systèmes de formation tels quels ? Il y a une disponibilité colossale des infos. Apprendre à apprendre, plutôt qu’à prendre ? Change le rapport au savoir, le rapport du prof à l’élève.

Socrate rejetait l’écriture, qui tuait le dialogue. Les interactions entre individus sont médiatisées, aujourd’hui par machines/objets connectés, interaction permanente avec ces objets. Demain, relation entre les machines. Est-ce qu’on peut préparer les individus à ces changements de la même manière qu’hier ? Non. Il y a un chargement de la machine cérébral nécessaire. On est perdant sur le contenu, jamais suffisant vu la dispo. On doit travailler la méthode.

Une adaptation nécessaire au nouveau paradigme, par l’éducation

Vers une autre forme de pédagogie. Comment le faire sans dénaturer le savoir ? La dimension organisationnelle des informations donne la connaissance, mobilisable pour l’action. Ce qui va générer les inégalités entre individus, c’est la capacité à organiser l’information. La méthodologie de l’organisation, de la formation est l’enjeu. La formation par la recherche : observation des éléments, repérer des régularités. Participation à la conquête de l’information. Celui qui se forme doit aussi produire. Le dialogue entre les machines humaines en train de produire est la richesse : on apprend à ne pas parler avec l’autre. Pas de commentaire entre nous sur le savoir acquis, une répression de l’interaction. Pas pénalisante pour le système traditionnel. Inhibition à l’interaction. Mais l’interaction est à organiser.

Un univers d’apprentissage collaboratif est le modèle à suivre. Celui qui aide apprend autant que celui qui est aidé, il réfléchit à ce qu’il transmet, au processus. Modifie l’architecture des établissements scolaires. Si la ressource du monde de demain est l’intelligence (plus la matière première périssable), faut-il penser à la formation toute la vie ? Organiser le système scolaire autrement qu’autour des flux économiques et saisonniers. Comment organiser l’espace de formation ? Angoissant car pas encore de réponses. La conception actuelle du savoir est assez muséale, statique. Alors que la dynamique des savoirs en train de se faire est essentielle, le problème alors est le partage de ces nouveautés.

La finalité n’est pas l’équipement du monde. Les producteurs de données sont instrumentalisables, illettrisme numérique, mais ces illettrés fonctionnent, sont markétés et orientés vers les produits. Comment faire accéder à la connaissance de cette production de données ? Les données risquent de survivre à leurs producteurs, les puces tiennent 3-4 générations, se pose la question de leur destruction. Dans ce changement de paradigme, l’école ne doit pas être une île. La connaissance de la façon de comment les choses fonctionnent est essentielle. Une prise de conscience est à faire. Quelle formation est à concevoir ? Comment apprendre à apprendre ?

Au CNAM, un prof, 200 machines intellectuelles, une méthode de transmission. Le prof est réellement un observateur sur la transmission de ces données – une méthode et des savoirs. Le dialogue entre les professeurs sur la façon dont le savoir se construit, de manière interdisciplinaire, travail d’observation des récurrences possibles. Des questions se posent, à remonter au monde de la science. (Dans la médecine, les chercheurs sont des médecins pratiquants.) Introduire cette dimension de la formation par la recherche donnerait une culture scientifique, une réflexion sur les méthodes (ex : le temps d’attention). Ces éléments réclament un niveau d’organisation de l’information élevé. L’objectivation est nécessaire. Une culture acquise par des données externalisées ne va pas. Il faut savoir construire par un questionnement. La prise de risque est possible, il faut pouvoir se lancer dans l’incertitude, comme dans la recherche qui est une prise de risque. Si on a des idées et qu’on ne les confronte pas à la réalité, on ne sait pas si elle est valable, à l’épreuve des faits. L’économie cognitive tient à faire des raccourcis, confort, trouver quelque chose qui va dans son sens.

On doit accepter que l’élève/enfant se trompe après une réflexion, une tentative. Formation collaborative par l’essai, l’erreur, n’est pas laxiste, au contraire exigeant. Jamais de retrait du jeu, pas d’arrêt dans la dynamique cognitive dans un système collaboratif (et n’existe pas dans le système actuel : relâchement cognitif des élèves, déstructuration éventuelle des bases de connaissances, un apprentissage partiel est nocif). Apprendre à trier, hiérarchiser l’information. La réflexion sur l’école doit dépasser les réflexions habituelles du processus d’adaptation : doit devenir un processus d’anticipation de la société (30 ans). L’école transmet des héritages. Organiser les dispositifs de formation initiale, continue sur de bases qui prennent en compte les évolutions techniques, pas seulement comme outil, mais sa compréhension (introduire un outil change l’écosystème). L’écart risque d’être selon la maitrise de la nouvelle matière première. Aujourd’hui, une partie de la planète est loin de maitriser l’info, bien que l’accès à l’info peut ê équivalent entre les pays. Les géants numériques sont des USA, aucun français. L’enjeu est la maitrise numérique du monde, besoin d’acteurs européens. Internet n’a pas de frontière, aucun Droit ne s’applique. L’éthique est nulle, inexistante. Quels êtres doit-on former pour maitriser cette information ? Accélération considérable de ces enjeux, mineurs il y a 5 ans. Comment faire dans un processus éducatif par définition long, alors que les évolutions technologiques sont rapides. Problème de pédagogie, plus que de connaissances.

Le socle minimum de connaissances doit être opératoire. Il faut être structurel et non plus fonctionnel. La connaissance est de l’information intégrée. La dernière transformation industrielle / économique a 150 ans, le changement de paradigme en cours est jamais connu, il y aura un processus d’adaptation.

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