1.1 Centralité de la publicité dans la société

 1.1.1 – UNE EXPOSITION DEJA MASSIVE A LA PUBLICITE

Le consommateur moderne est exposé à la communication publicitaire et à ses messages à travers une panoplie de supports. En dehors de son domicile, les affiches, vitrines, journaux et messages sonores sont omniprésents. Le domicile n’est pas épargné : le papier (journaux et prospectus) côtoie l’audiovisuel (radio, télévision) et le numérique (ordinateur, tablette, téléphone). Il est difficile d’estimer le nombre de publicités auxquelles le consommateur est exposé quotidiennement : 200 ? Entre 300 et 1000 ? Jusqu’à 2500 ? Ces chiffres proviennent de chercheurs ayant étudié le sujet, ils prennent donc en compte la part d’exposition dont le consommateur n’a pas conscience. Quand on demande aux français d’estimer le degré d’exposition quotidien à la publicité pour les médias audiovisuels, ils déclarent un taux beaucoup plus faible : 70 publicités par la télévision et autant par internet, 32 par la radio et 5 par le téléphone, soit un total de 177 .

Ces chiffres dix fois inférieurs (à ceux d’un point de vue externe) suffisent pour provoquer un agacement face à la publicité. Une étude dans un environnement urbanisé au maximum où la présence publicitaire est maximale informe sur la réaction du public face à la saturation : la ville de Paris. Un sondage de l’institut IFOP en 2010 pose les questions pertinentes, le jugement sur la présence de la publicité dans Paris est explicite : 45% des sondés l’estiment « trop présente », 80% approuvent la suppression des panneaux d’affichage 4×3 (mètres) et 58% préfèrent réduire le nombre de panneaux même si « cela se traduit par une baisse des recettes financières pour la municipalité » (donc plus d’impôts pour eux).

1.1.2 – UN REJET DU PUBLIC : LE CAS DES NOUVEAUX CANAUX

1.1.2.1 – LA PUBLICITE SUR INTERNET : EXPOSE D’UN PROGRES TECHNOLOGIQUE QUI AGACE

Les NTIC, « Nouvelles technologies d’information et de communication », portent bien leur nom : ce sont des canaux de communication investis très tôt par les annonceurs. Internet est indissociable de la publicité : la majorité des sites web commerciaux tirent leurs revenus des annonces qu’ils diffusent. La publicité en ligne se porte bien : elle représente 20% des investissements publicitaires en France, soit 1,4 milliards d’euro au premier semestre 2013 avec une croissance de 4% en 2012. Le marché mondial représente 102 milliards de dollars, dont 42% en Amérique du Nord . Le « Search marketing », soit la publicité textuelle relative à un mot-clé dans un moteur de recherche, est le plus utilisé (57% du marché), ainsi que la deuxième formule préférée pour 23% des sondés d’un sondage IFOP .

Publicité sur le site Le Monde

Sur LeMonde.fr , 3 annonces au-dessus du fold.

La tendance semble aller contre la préférence de l’internaute : les formules les moins appréciées de la communication publicitaire, les vidéos et les publicités avant visionnage (d’une vidéo souhaitée) qui n’obtiennent la préférence que de 9% des sondés, sont en forte croissance : 34% sur l’année. Plus généralement, le jugement des français est sévère : 64% considèrent que la publicité sur internet est une « mauvaise chose », dont 17% « une très mauvaise chose ». Ils lui reprochent d’être « omniprésente » pour 90% des sondés, qu’elle est « intrusive » pour 80%, voire « stressante » pour 61%. Le seul facteur qui pourrait lui donner une image positive chez les internautes serait si elle pouvait « apporter une information intéressante » (à 74%), ce qui est loin d’être accompli : seulement 36% la trouvent « informative ». Au-delà de ces souhaits et préférences, l’internaute agacé n’a pas attendu pour agir : l’application bloqueuse de publicités Adblock Plus a été téléchargé plus de 190 millions de fois mondialement. Des progrès considérables restent donc à accomplir par les annonceurs pour proposer des publicités de meilleure qualité, l’efficacité de leurs campagnes est en jeu.

Profilage de l’individu : pertinence ou intrusion ?

Le plus grand progrès offert par la publicité en ligne est de proposer des annonces personnalisées au maximum à l’internaute. 46% d’entre eux le perçoivent, et 55% le souhaitent. Mais son corollaire indissociable est l’utilisation des données personnelles de l’internaute par les sites web, et 85% d’entre eux le rejettent. Ce paradoxe est sans doute dû aux autres facteurs de nuisance cités plus haut. La publicité en ligne est un outil d’une puissance rare qui offre une segmentation poussée à l’annonceur. Un exemple à travers la régie AdSense de Google, qui gère 75% de la publicité sur les sites web (en plus de sa régie Google Ads, affichant des annonces dans l’environnement des sites Google) : l’image est un extrait du tableau de bord d’une campagne. Au-delà des indicateurs utiles à l’annonceur sur la performance des annonces (clics, affichages), on peut remarquer la finesse de la segmentation par tranche d’âge. Il est également possible de segmenter selon le sexe de l’internaute et de ses centres d’intérêt, et donc de mesurer la performance selon le profil du visiteur.

Campagne Google Ads - Données démographiques d'age des audiences

Campagne Google Ads – Données démographiques d’age des audiences

Ce profilage de l’individu peut choquer (« Flippant: découvrez le portrait que Google fait de vous » titre un article des Inrocks), mais Google informe clairement l’internaute de la collecte et de l’utilisation de ses données (récoltées par la technologie des « cookies »), dans le but avoué d’ « accroître la pertinence des annonces diffusées à votre attention » . Avec la progression en équipement des smartphones et tablettes, soit des terminaux supplémentaires pour naviguer sur internet, la publicité par ce canal sera de plus en plus utilisée par les annonceurs. L’internaute devra trancher entre confidentialité de ses données et pertinence de la publicité.

1.1.2.2 – LES ECRANS VIDEO : L’INTRODUCTION RATEE D’UNE TECHNOLOGIE FUTURISTE

A la fin de l’année 2008 commencent à apparaître les écrans vidéo dits « Numériflash ». La technologie initiale était révolutionnaire : « Au moyen de capteurs de visage, les Numériflash pourront mesurer l’audience des publicités mais également identifier les images ou éléments qui auront retenu le plus l’attention » . Ces apports de données qui auraient eu un grand bénéfice pour l’annonceur ont été sacrifiés face à la réaction hostile d’associations . Cette concession n’a pas pour autant stoppé l’opposition que suscite cette technologie : le vandalisme (bris de vitre, tags) est fréquent depuis sa première apparition. L’agacement provient du fait que ces nouveaux formats publicitaires sont animés et rétroéclairés : le regard du passant ne peut qu’être capté, là où une affiche classique ne surprend plus, tellement sa présence est banale. D’autant plus efficace dans les zones sombres ou de forte affluence. Pour une régie publicitaire, l’investissement est sans doute lourd à installer et consommateur en électricité, mais doit attirer nombre d’annonceurs. La technologie présente aussi l’avantage de se passer du traditionnel emploi de colleur d’affiches.

Une recherche d’informations sur internet (par le moteur de recherche Google) remonte une majorité d’articles qui traitent de réactions négatives aux Numériflash (notamment le vandalisme). Malgré le potentiel inédit de créativité qu’ils apportent aux agences de publicité et aux annonceurs en termes de communication publicitaire, ils semblent ne pas encore être assez bien reçus du public pour être rentrés dans les mœurs. Les campagnes de publicité traditionnelles sont abondamment commentées, comparées, analysées, souvent sous un angle positif. A l’inverse, une publicité en Numériflash semble ne pas intéresser le public. Après trois ans de présence, même cantonnée à la région de Paris, un annonceur peut donc douter de l’efficacité du dispositif à atteindre les objectifs d’une campagne. Au niveau cognitif (notoriété), la cible sera certainement informée de l’offre de l’annonceur.

Au niveau affectif, la perception du produit ou de la marque risque de pâtir de sa présence sur un Numériflash, la technologie pouvant être un repoussoir. Le risque de saturation est également présent : une même campagne est souvent diffusée sur un ensemble de Numériflash à plusieurs endroits (dans le cas de Paris, dans l’ensemble des stations de métro ou RER équipées). Un usager des transports y sera donc exposé plusieurs fois dans sa journée. Dans le pire des cas, on peut douter de l’utilité d’aligner une multitude de panneaux sur une distance de marche de la cible extrêmement courte. L’agression visuelle à ce niveau de saturation est une évidence.

Panneaux Numériflash Gare de Lyon

Panneaux Numériflash en Gare de Lyon (Paris) : cinq fois la même annonce, rétroéclairée pour une visibilité maximale.

Evaluation environnementale des panneaux publicitaires numériques par l’ADEME en 2020

Dans son étude « Modélisation et évaluation environnementale de produits de consommation et biens d’équipements« , l’ADEME a étudié l’impact environnemental des écrans publicitaires LCD de 2m². Il en ressort que l’impact total des de 2545kgCO2 par année d’utilisation, avec deux phases majoritairement contributives :

  • l’utilisation de l’écran – sa consommation électrique (46%)
  • la production de l’écran – les matières premières mobilisées (35%)

Leur contribution aux effets respiratoires par l’émission de polluants inorganiques est largement due à la phase de production (52%) vs son utilisation (22%)

Les chiffres quant à l’impact de sa consommation sont précis, avec une hypothèse d’écran allumé 18h par jour, 365 jours / an pendant 10 ans.

Il en ressort que comme tout produit électrique, l’impact le plus fort sur le changement climatique n’est pas la consommation mais la phase production. Ainsi, baisser la durée d’utilisation d’un tiers (12h au lieu de 18h) ne fait gagner que :

  • 18% d’impact sur l’acidification terrestre et aquatique
  • 9% sur les effets respiratoires
  • 5% sur l’épuisement des ressources minérales & fossiles
Influence (en pourcentage) de la durée d’utilisation et de la durée de vie par jour

Comme le souligne l’ADEME : « On remarque que les indicateurs de changement climatique, d’acidification et de demande en énergie cumulée (CED) sont plus sensible à la variation de la durée d’utilisation. En effet, la phase d’utilisation a une contribution plus importante pour ces trois indicateurs« 

D’une manière générale, l’impact d’un écran moins utilisé avec une durée de vie prolongée (12h sur 12 ans) est 21% inférieur au cas de base (18h sur 10 ans). Inversement, il est de 40% supérieur pour un écran allumé 24h/24 avec une durée de vie de 8 ans.

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