L’éthique des professionnels de la publicité, complétée par les textes de Loi, est-elle suffisante pour garantir une régulation efficace ?
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2.1.1 – L’ICC, INSPIRATION POUR L’AUTOREGULATION
L’ICC (International Chamber of Commerce – Chambre de Commerce Internationale) édite un « Code ICC consolidé sur les pratiques de publicité et de communication commerciale » depuis 1937. Il contient des conseils et orientations qui servent de référence aux instances professionnelles d’autorégulation de la publicité, dans plusieurs pays du monde (dont l’ARPP en France). L’intention est de renforcer la confiance du consommateur.
Ses dispositions sont donc assez générales pour s’adapter à des marchés différents. L’Article 2 traitant de « La Décence » stipule par exemple que « La communication commerciale doit proscrire toute déclaration ou tout traitement audio ou visuel contraire aux convenances selon les normes actuellement admises dans le pays et la culture concernés. » Difficile d’interpréter ceci comme une consigne claire dans la conception d’une publicité. C’est donc à l’ARPP d’expliciter.
2.1.2 – L’ARPP, INSTANCE AUTOREGULATRICE DE REFERENCE
Le BVP, Bureau de Vérification de la Publicité a été créé dès 1950. Depuis, L’ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité) a repris sa mission de « mener une action en faveur d’une publicité loyale, véridique et saine dans l’intérêt des consommateurs, du public et des professionnels de la publicité ».
- Ses missions officielles sont :
- l’élaboration des Recommandations
- la mise en conformité de campagnes avant diffusion
- les interventions en cas de manquement (aux règles) après diffusion (par autosaisissement ou réception de plainte)
- l’interface avec les publics de la publicité (c’est à dire, l’écoute des retours de la société civile)
Les chiffres sont assez parlants sur l’activité de contrôle : en 2012 , l’ARPP a traité 10 328 annonces TV, 1 754 de presse et 717 d’affichage. La majorité de ses interventions sont des demandes de modification (avant diffusion) et très peu d’avis défavorables. Toutes les variétés des publicités sur internet sont présentes, mais atteignent un total infime de 375… L’autorité a donc des progrès à faire sur les nouveaux supports.
Dans sa mission d’écoute du public, l’ARPP semble manquer de sincérité. A la lecture de l’étude « Décrypter les attitudes vis-à-vis de la publicité » en 2011 , l’autorité étudie les avis des français à propos de la publicité : la présentation est orientée pour valoriser les qualités attribuées à la publicité tout en minimisant les reproches qu’on lui fait. D’une manière condescendante, elle indique qu’une opinion négative de la publicité n’est due qu’à un mal-être plus général de l’individu. La considération du public, cible permanente de la publicité, de la part de l’ARPP n’incite pas à la confiance.
2.1.3 – UN POUVOIR DE RECLAMATION PEU EFFICACE A TRAVERS LE JDP
Comme possibilité de réclamation, le public peut interpeller l’annonceur ou l’agence de publicité responsable d’une publicité visée, voire la régie qui la diffuse. C’est une action assez symbolique : une plainte isolée n’a que peu d’écho. S’adresser indirectement aux responsables est plus efficace et assez fréquent, sous forme de tribunes dans des médias en ligne (assez souvent, le site Rue89 qui propose une fréquentation mensuelle autour de 10 millions de visites ).
Un Jury de Déontologie Publicitaire existe depuis 2008, pour « statuer sur les plaintes du public à l’encontre de publicités diffusées ». Bien que ses membres soient officiellement neutres (« aucun liens direct avéré avec la profession publicitaire »), ils sont nommés par l’ARPP qui en assure également le fonctionnement. Une plainte émise doit concerner une campagne récente (3 mois) qui ne serait pas conforme aux règles déontologiques de l’ARPP. Les statistiques ne sont pas non plus encourageantes : sur l’année 2011 , 606 plaintes ont été reçues mais seulement 81 estimées « potentiellement fondées » donc étudiées. Au final, 33 plaintes étaient fondées, donc valables : 5%. Dans le pire des cas, le JDP peut enjoindre l’ARPP d’imposer à l’annonceur de retirer la publicité, mais sans pouvoir contraignant (littéralement : « demander au Directeur général de l’ARPP de prendre les mesures nécessaires pour le non-renouvellement de cette publicité » )
Sa réactivité n’est également pas adaptée à la majorité des campagnes : « Le Jury se réunit à une fréquence permettant que le traitement d’un dossier n’excède jamais un mois. ». Une campagne dénoncée sera terminée une fois la plainte reçue, traitée, et la décision (non contraignante) rendue. Ce n’est donc pas un moyen de faire cesser la diffusion d’une publicité pendant la durée de la campagne.
Pour des problèmes plus généraux mais tout aussi sérieux, ce sont parfois d’autres instances qui interviennent. Après avoir reçu plusieurs centaines de plaintes (124 en 2009, 134 en 2010) contre l’écart entre le volume sonore des publicités à la télévision et les émissions, c’est le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel qui a adopté une « délibération » sur le sujet , et non l’ARPP.
2.1.4 – L’ETAT, INFLUENCEUR ET LEGISLATEUR
2.1.4.1 – LES TEXTES DE LOI
- L’ARPP résume les principaux textes de droit de la publicité :
- Dispositions générales : Identification de la publicité et de l’annonceur, l’usage de la langue, les cas de la publicité comparative et mensongère.
- Dispositions spécifiques à certains produits ou secteurs : Alcool, alimentation, crédits, prix…
- Régimes spécifiques à certains supports de communication : Audiovisuel, écrit, radio…
A la lecture de ces textes, on remarque que le Législateur prend l’initiative de protéger les mineurs des publicités qui s’adressent à eux, en en excluant une variété de produits (alcool, produits financiers). C’est également la loi qui impose des mentions légales et restrictions sur des catégories de produits étendues : l’alcool et le tabac sont exclus de nombreux supports par la Loi du 10 janvier 1991 (dite « Loi Evin », et tout produit financier (ou offre affichant un prix sous conditions de crédit) doit mentionner une foule de détails précis pour informer au mieux le consommateur.
2.1.4.2 – DES ACCORDS NON CONTRAIGNANTS MAIS INFLUENTS
Pour des problèmes plus globaux, l’Etat est plutôt dans une logique de dialogue avec le milieu publicitaire. Ainsi en 2008, s’attaquant au problème de santé publique qu’est l’anorexie, le Ministère de la Santé fait signer à tous les professionnels de la communication utilisant l’ « image du corps humain » dans leurs œuvres une « Charte d’engagement volontaire sur l’image du corps » . L’intention était de traiter le problème des mannequins (de mode et de publicité) trop maigres pour être des modèles de personnes en bonnes santé, développant ainsi un complexe de maigreur chez les personnes sensibles (les filles mineures notamment, développant des troubles alimentaires). Sans être contraignant et tout en précisant que « les médias et la publicité ne doivent pas être le bouc émissaire de phénomènes qu’ils ne maîtrisent pas », cette action conjointe a été aussi l’occasion d’un débat de société, rencontrant un large écho dans l’opinion publique. L’influence sur les mentalités en est peut-être d’autant plus forte qu’une recommandation inédite de l’ARPP.