ChatGPT peut-il remplacer Google ?

Début décembre 2022, le grand public a découvert ChatGPT et l’emballement médiatique a duré plusieurs semaines. Une idée s’est répandue : peut-il remplacer Google comme moteur de recherche ?

Une version USA de cet article a été publiée sur le site d’Artefact

La star du moment est une interface simplifiée pour interroger OpenAI. Les semaines suivantes ont été un déferlement d’exemples amusants, d’applications professionnelles astucieuses mais aussi de sentences expéditives sans nuances ni débat. Une de ces annonces est le remplacement de Google par ChatGPT.

L’avis nuancé de Numerama.

Le chatbot permet bien sûr des usages personnels et professionnels variés, mais le comparer à un outil du quotidien, ancré dans les habitudes, est trompeur voire inconscient. Comme l’expérience nous l’a montré, quand on annonce un basculement radical d’un usage quotidien par le grand public, on est plus souvent dans l’emballement que dans l’analyse.

ChatGPT peut-il assurer les fonctions d’un moteur de recherche comme Google, et ainsi le remplacer dans les usages quotidiens du grand public ? Doit-on s’attendre à intégrer ChatGPT dans notre stratégie d’acquisition media / webmarketing pour pouvoir s’adresser à nos audiences ?

Un moteur de recherche n’est pas un gadget

C’est avant tout un outil du quotidien pour l’essentiel du grand public, sur les smartphones et sur les ordinateurs de bureau. La barre d’adresse d’un navigateur web (Chrome, Firefox) est devenue une barre de recherche directement reliée à un moteur. L’usage d’internet est mature depuis bien 15 ans. Les nouveautés structurantes sont principalement apparues du côté des réseaux sociaux, apportant des usages vraiment inédits. Un moteur de recherche répond au même usage qu’à son origine : apporter des résultats à une requête d’un internaute.

Mais donnons la parole à ChatGPT pour nous donner une réponse claire et précise (à quelques paraphrases près) :

Un moteur de recherche est un logiciel qui parcourt l’Internet à la recherche de pages Web, de documents et d’autres contenus en ligne en réponse à des requêtes de recherche entrées par les utilisateurs.

Si on le résume en trois phases principales :

  • Exploration et Indexation : les robots du moteur de recherche explorent le web et indexent le contenu des pages, leur permettant d’y accéder rapidement lorsqu’une recherche est effectuée par l’internaute
  • Algorithme de classement : le moteur de recherche utilise un algorithme pour déterminer l’ordre dans lequel les pages de son index sont affichées dans ses résultats de recherche. Cet algorithme prend en compte plusieurs facteurs, tels que la pertinence, la qualité et la popularité des pages.
  • Résultats de recherche : sous forme de liste de liens vers des pages web, et d’autre fonctionnalités selon le type de requête.
Bien vu, ChatGPT

ChatGPT peut-il être comparé à un moteur de recherche ?

Revenons sur la base d’un moteur : l’index. Celui de ChatGPT a été constutué à partir de sources nombreuses, riches et variées (articles, romans, scripts de films, conversations en ligne et pages web). La finalité n’a jamais été d’en faire qu’une base de donnée, mais aussi d’entrainer le modèle à comprendre et à restituer le langage naturel. Ces données ont par contre le défaut de s’arrêter en 2021, et elles ont requis un travail laborieux de validation humaine par des modérateurs de contenu (les mêmes qui modèrent les réseaux sociaux). La mission initiale d’un moteur de recherche comme Google est d’indexer le web, en s’efforçant d’être le plus à jour possible pour traiter les 15% de requêtes inédites chaque jour.

On ignore sur quels critères ChatGPT il classe ses résultats lorsqu’on lui demande une liste (“Quels sont les meilleurs services de streaming vidéo ?”). La pertinence des résultats est donc obscure pour l’utilisateur. Les classements sont impossibles à travailler pour une marque, comme elle le ferait en SEO sur les moteurs de recherche. Difficile d’en faire un outil d’acquisition maîtrisé dans ces conditions.

Ensuite, le point le plus bloquant est l’interface. Un moteur de recherche est au service de ses utilisateurs. Son ergonomie est le résultat de décennies de recherches et d’ajustements constants. ChatGPT propose une interface proche d’un chatbot simplifié – l’outil est avant tout une démonstration d’une technologie de traitement du langage, capable de comprendre des requêtes complexes et précises et de répondre d’une manière conversationnelle.

Enfin, les résultats renvoyés par ChatGPT sont un problème : l’outil génère sa propre réponse. Il ne cite pas ses sources, commet des erreurs, peut être influencé par les échanges. C’est un point de vue unique. Bien que Google se risque à devenir un moteur de réponses, ses résultats sont sous contrôle de son algorithme de classement. Les Positions 0 / Featured Snippets de Google sont des extraits de la page web jugée la plus pertinente, et l’internaute a ensuite le choix entre les différentes pages web des résultats naturels.

L’utilisateur de Google est-il prêt à l’échanger contre ChatGPT ?

La concurrence entre les deux acteurs ne peut se faire que sur une fraction du service que rend un moteur de recherche. Seules les requêtes informationnelles sont adressées correctement par ChatGPT, des requêtes commerciales sont par nature hors de propos. On est donc sur un pourcentage de requêtes très limité par rapport à l’usage courant de Google.

On est pas tout à fait sur une expérience de chatbot

Malgré la qualité perçue de la réponse de ChatGPT, le public est habitué à consulter des pages web pour trouver une information. Des environnements familiers à l’ergonomie travaillée, avec une pluralité de métiers du web travaillant sur le rendu de la page et la mise en avant des informations.

Même un moteur de recherche ne peut pas remplacer Google

Bien avant Google, d’autres moteurs de recherche existaient – la France avait Altavista, Lycos, Voilà… Google a pris progressivement la place par la qualité de ses résultats et de son interface, la recherche universelle (le Multisearch, comme on l’appelle désormais) rendait un service direct et global, sans cloisonnement. Sa part de marché dans la grande majorité des pays dépasse les 90% car les usagers l’ont décidé.

Depuis, il y a eu pléthore de moteurs de recherche alternatifs, chacun avec leurs spécificités (confidentialité avec DuckDuckGo, recherche universelle avec Qwant, modèle payant avec Neeva, blockchain avec Presearch, métamoteurs…) mais aucun n’a résisté au jugement du grand public. Hormis Bing, moteur par défaut sur de nombreux postes de travail, aucun moteur ne dépasse les 1% de part de marché. Malgré les ambitions pompeuses de « briser le monopole des géants du web en réinventant le modèle des moteurs de recherche », c’est bien les internautes qui décident si la légitimité d’un acteur dominant doit être remise en question à travers leurs usages. Un monopole naturel est un choix.

Le monopole on l’a choisi, laissez-nous tranquille.

Bing et Google se sont adaptés en un temps record

Mais pour le grand public et ses habitudes sur les moteurs de recherche, le changement n’est pas pour maintenant. ChatGPT reste un outil, limité en bande passante et payant pour en faire un usage sans limites.

On très vite a vu fleurir des projections sur ce que pourrait être “le futur de Google”, avec une intégration de ChatGPT. D’autres solutions (voire d’autres moteurs) proposent déjà des modules de recherche conversationnels, déclenchés par des requêtes informationnelles.

La semaine du 6 février, Bing et Google ont coup sur coup officialisé leurs fonctionnalités d’IA dans leur interface de recherche. Bing en intégrant directement ChatGPT (étant co-propriétaire de la technologie) et Google en déployant le chatbot « Bard » – dont l’index est le même que Google, cad. l’ensemble du web indexé. ChatGPT est donc contré et ne remplacera pas un moteur.

Annoncer une révolution fait partie du jeu pour le PDG d’OpenAI, fier d’avoir atteint le million d’utilisateurs en 5 jours, mais est un réel manque de discernement de la part des médias. Toutes les révolutions ne sont pas nécessairement un progrès, détruire l’existant patiemment construit par une nouveauté amusante sur le moment ne rendrait pas service à l’internaute. Comme pour les cryptomonnaies, le web3 et ses variantes toxiques et bientôt enterrées, ceux qui appellent de leur vœux une alternative à tout modèle dominant ont quelque chose à y gagner. Méfions-nous des rhétoriques faciles de « ceux qui n’y croient pas sont ceux qui n’ont pas cru au web ». Préférons l’évolution à la révolution², et soyons prudents et attentistes.

²Merci à Elisée Reclus pour les formules théâtrales.

Google et l’IA générative en SEO

A propos du SEO et de l’IA générative, il y a 2 sujets

En SEO, un des chantiers de croissance est la création du contenu. On cherche à être le plus pertinent et le plus complet possible pour répondre aux requêtes des internautes. On crée des nouvelles pages, on améliore des pages existantes. Sans contenu, un site est quasiment vide.

Il y a tout un écosystème de rédacteurs web, voire de sociétés de rédaction, au service du SEO. L’assistance de l’IA pour générer du contenu est un phénomène qui n’est pas nouveau.

La nouveauté depuis novembre 2022, c’est la mise à disposition gratuitement au grand public de ChatGPT, un outil qui sait générer du contenu avec un effort minimum.

Depuis novembre, il y a un emballement général des professionnels du web, et en particulier des SEO. Automatiser la création de contenu c’est un rêve. Beaucoup de textes ont été généré voire des sites entiers. Plutôt à valeur de test : le SEO est un sujet de long terme, une performance d’un nouveau contenu n’est valable que sur la durée. Les premiers retours après 3 mois ne sont pas concluants que ce soit directement par ChatGPT ou par des services de rédaction s’appuyant sur son API et y ajoutant une réécriture.

Google face aux textes autogénérés

Google est exigeant sur la qualité des résultats qu’il donne aux internautes.

  • L’apport d’une page face aux autre pages existantes sur Google doit être réel
  • On doit démontrer une expertise dans son domaine
  • L’automatisation de la rédaction est détéctable

C’est une ligne directrice depuis longemps de la part de Google et renforcée par la mise à jour de 2022 dédiée à la qualité du contenu, la Helpful Content Update (dont le détail est ici).

Google face à l’engouement du grand public pour ChatGPT

Du côté du moteur de recherche face à ses utilisateurs :

Google a toujours avancé sur l’IA, c’est intégré dans son écosystème dans beaucoup de ses produits. Dans son moteur de recherche, une partie de l’algorithme est une brique d’intelligence artificielle (RankBrain).

Suite au succès de ChatGPT, Google a accéléré la mise en ligne d’un outil de réponses directes autogénérées, une IA générative pour répondre aux requêtes des internautes directement avec son propre contenu plutôt que des extraits de sites web ou des listes de sites. C’est Google Bard, actuellement en beta publique testable.

@facterar #Google Bard est sorti – exemples d'usages et de recherches pour le module d' #IA proche de #ChatGPT ♬ DIE – Gazo

L’enjeu pour les marques et sites web est que ce module de réponses autogénérées ne capte pas le trafic que Google leur envoie à travers les résultats de recherche traditionnels. A suivre lors du déploiement complet de Google Bard pour évaluer l’impact, selon les usages que Google nous propose de remplacer.

Pour marque-pages : Permaliens.

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